LE DIVORCE PAR CONSENTEMENT MUTUEL

Publié le 06 janvier 2017

Le divorce par consentement mutuel est le type divorce le plus pratiqué en France.
Il représente plus de la moitié des divorces prononcés ces dernières années. En 2010, il représentait environ 54 % de l’ensemble des divorces.

La raison en est sans doute qu’il s’agit d’une procédure simple et rapide qui ne nécessite pas de justification des époux quant à leurs motivations.
Il suffit qu’ils aient tous les deux la volonté de divorcer, celle de se mettre d’accord sur l’ensemble des conséquences du divorce, la capacité de le faire et de l’exprimer devant le juge aux affaires familiales… (Ainsi les majeurs protégés ne peuvent avoir recours à ce type de divorce.)

En cela le divorce par consentement mutuel diffère des autres types de divorce  qui ne peuvent être prononcés que lorsque le juge constate un motif légitime à la rupture du lien conjugal.
A cette raison ces autres types  de divorce sont précédés d’une procédure formaliste qui peut s’avérer d’une certaine lourdeur ce qui en rend l’intérêt discutable dans de nombreux cas dans lesquels il n’y a rien en jeu sauf le lien matrimonial.

Le divorce par consentement mutuel fait l’objet d’une procédure allégée, puisqu’en principe les époux ne comparaîtront qu’une seule fois devant le juge à une audience au terme de laquelle celui-ci prononcera le divorce.

Ainsi faisant, le législateur en a considérablement raccourci les délais puisqu’en moyenne la procédure durera de 1 à 3 mois à compter de la saisine de la juridiction, parfois même à compter de la première consultation chez l’avocat.

Mais encore faut t-il que certains préalables aient été respectés. Simplicité et rapidité ne vont pas de pair avec laxisme ou précipitation, au contraire.

Un divorce par consentement mutuel se prépare, et il vaut mieux bien le préparer…

Les juges s’ils ont le souci de respecter la volonté des parties de divorcer, exercent un contrôle sérieux des conditions dans lesquelles ce divorce se déroule.

Ils portent une grande attention à la réalité de la volonté des époux de divorcer, et de divorcer selon cette modalité (1).

Ils portent ensuite grande attention  à l’équilibre des conventions entre les deux époux, à plus forte raison en présence d’enfants du couple dont ils se soucient avant tout de préserver les intérêts (2).

En cas d’entorse, la procédure qui est conçue pour être courte s’en voit d’autant rallongée voire peut même échouer (3).

En cas d’erreur, les effets attachés au jugement de divorce permettent malheureusement rarement aux époux de pouvoir faire faire marche arrière (4).

I – La volonté de divorcer des époux

Cette volonté de divorcer est personnelle à chacun des époux qui seul décidera en son âme et conscience.

L’avocat y a cependant un certain rôle à jouer puisque, conseil de l’époux, il doit clairement, avec honnêteté, présenter à son client les éléments qui lui permettront de forger sa décision soit de divorcer, soit de divorcer par la voie amiable ; sans essayer de l’en persuader :

Ainsi,  nonobstant les aspects sentimentaux et psychologiques qui entrent en considération dans le cadre du divorce, et qu’il faut respecter,  le mariage présente des sujétions patrimoniales ou extra patrimoniales auxquelles l’époux peut avoir intérêt à mettre un terme plutôt que de maintenir une relation qui a perdu l’essentiel de sa raison d’être.

Il appartient au conseil diligent de l’expliquer à son client franchement quoique avec tact.

De la même manière l’avocat pourra faire valoir à son client destinataire d’une demande en divorce, qu’en l’état du droit, même en l’absence d’une quelconque faute de sa part, il sera quasiment impossible de forcer son conjoint à rester dans les liens du mariage, dès lors que la procédure de divorce pour altération définitive du lien conjugal pourra lui permettre, à terme, d’obtenir la rupture.
Il suffira simplement à l’époux désireux de divorcer de présenter sa requête en divorce, de maintenir sa volonté de divorcer devant le juge aux affaires familiales, d’obtenir une ordonnance de non conciliation et d’attendre deux années à compter de cette ordonnance ou de la date à laquelle la séparation a effectivement eu lieu, pour enfin assigner et obtenir le  divorce pour altération définitive du lien conjugal.

Le client pourra ainsi, en se ralliant à l’idée de divorce amiable, avoir le souci de s’éviter plusieurs années d’attente, de difficultés et des procédures onéreuses, alors qu’aucun autre intérêt n’est en jeu que le maintien d’un lien sentimental à priori défunt.

Enfin,  alors même qu’une autre procédure de divorce serait en cours, il sera toujours possible aux avocats de conseiller aux époux d’opter pour un divorce par consentement mutuel, l’état du droit permettant des passerelles entre les diverses procédures de divorce.
L’intérêt pourra être, pour les époux, d’écourter la procédure initialement mise en œuvre en constatant simplement leurs accords sur le principe et sur les effets de leur divorce.

En tout état de cause, l’avocat devra bien s’assurer de la réalité du consentement des époux quant au principe du divorce et quant à ses effets.

Dès lors qu’il aura le moindre doute sur la réalité de ce consentement, l’avocat conseillera à son client de ne pas avoir recours à cette procédure et refusera de prêter son concours.

Il ne s’agit là nullement de cas d’écoles, dans la mesure où l’avocat voit malheureusement parfois se présenter à son cabinet des couples dont il s’avère que l’un des époux agit sous une contrainte familiale ou  sous celle de son conjoint, n’a pas la volonté de divorcer, ou  n’est pas véritablement d’accord sur les effets du divorce.
Raison pour laquelle l’avocat, lorsqu’il est saisi de l’intérêt des deux époux s’assurera toujours qu’il est en mesure de pouvoir échanger librement avec chacun, et éventuellement hors de la présence de l’autre.

En considération de quoi notre cabinet émet les plus fortes réserves quant aux  divorces par correspondance dont de nombreuses publicités fleurissent sur le net, compte tenu de l’impossibilité de s’assurer dans les meilleures conditions, du consentement de chacun des époux.
La rencontre entre un client et son avocat est l’une des composantes essentielles de leur relation et il serait dommage qu’elle soit réduite à une simple entrevue entre deux portes du Tribunal quelques minutes avant de passer devant le juge.

La moindre des déconvenues qui résulterait d’une procédure mal ficelée serait le rejet de la demande par le juge s’il constate l’absence de consentement réel de l’un des époux ou l’inadéquation de la convention à la situation réelle des époux.
Au pire, le divorce sera prononcé, l’époux lésé s’apercevra ultérieurement de ce que ses intérêts n’ont pas été protégés comme ils eurent dû l’être, au risque pour l’avocat de subir une action en responsabilité.

II – Le règlement des conséquences patrimoniales et extra patrimoniales du divorce : La convention de divorce

Nous l’avons évoqué, les époux devront, avant même le dépôt de la requête en divorce, s’être mis d’accord sur l’ensemble des aspects patrimoniaux et extra patrimoniaux de leur divorce :

Cet accord doit être constaté dans une convention de divorce portant éventuellement liquidation de leur régime matrimonial et qui est annexée à la demande de divorce.

Cette convention doit être rédigée avec le plus grand soin.
Elle constituera en effet la loi des parties ; dès lors qu’elle sera homologuée par le juge aux affaires familiales, elle sera extrêmement difficile à remettre en cause.

A noter que la rédaction d’une convention n’est pas imposée qu’aux  seuls couples mariés sous le régime de la communauté, puisque ce document porte règlements de l’ensemble des effets, y compris non patrimoniaux, du divorce et concerne aussi bien les époux qu’éventuellement leurs enfants.
Par-ailleurs même en cas de séparation de biens, divers flux et transferts de valeurs ont pu s’opérer entre les patrimoines des époux pendant le mariage qu’il conviendra de régler au moment du divorce.

A°) Les mesures concernant les époux :

Il conviendra que les conventions des époux ne manifestent pas un déséquilibre trop important entre leurs droits respectifs ;
Si ce déséquilibre existe, le juge ne rejettera pas pour autant la demande mais vérifiera la pleine et entière acceptation, en toute connaissance de cause et liberté de l’époux lésé.

Les mesures portant règlement du divorce entre les époux peuvent être d’ordre patrimonial ou extra patrimonial.
Les mesures extra patrimoniales portent essentiellement sur la résidence séparée des époux ainsi qu’éventuellement l’autorisation donnée par le conjoint de conserver l’usage de son nom de famille.

Les mesures patrimoniales sont plus nombreuses puisqu’il faudra pour les époux régler :

Le Partage des biens meubles ou immeubles,
La Répartition de la charge des dettes,
La stipulation d’une Éventuelle prestation compensatoire

1 – Le partage des biens

Lorsque le partage concernera des biens immobiliers, il devra être constaté dans un acte authentique.

A noter que pour minimiser les frais, la pratique s’est développé de vendre l’immeuble commun, et ainsi faire porter  la charge des  frais de  mutation et de notaire sur l’acquéreur.
Les époux pourront ensuite éventuellement solder les prêts et se répartir le solde avant même que d’entamer leur procédure de divorce.
Les époux auront pu, de même, avoir effectué le partage de leurs autres biens, meubles meublants comptes bancaires etc….

Ce partage, effectué verbalement, ne donnera lieu à aucun enregistrement ni paiement de  droit de partage.

Ce mode de répartition simplifié ne sera cependant possible que dans les cas les plus simples où les droits entre les deux époux sont à peu près équivalents
Il vaudra tout de même mieux, pour les époux, indiquer précisément à l’avocat la nature ainsi que l’origine des biens ainsi partagés afin de lui permettre de pouvoir détecter le moindre problème.

Pour les situations les plus complexes, lorsqu’il y aura par exemple lieu de répartir la charge de dettes entre époux ou de rééquilibrer une disparité dans les conditions de vie suite au divorce, il vaudra mieux avoir recours à une convention de partage écrite.

2 – Le partage des dettes

La convention liquidative devra aussi liquider et partager les  dettes des époux entre eux et à l’égard  des tiers :

Les dettes des époux entre eux résulteront essentiellement du jeu des éventuelles récompenses induites par les transferts de valeur entre les patrimoines des époux et/ou celui de la communauté ou  du jeu des éventuelles soultes en cas d’attribution d’un bien commun à un seul des époux.

Les dettes à l’égard des tiers seront de nature diverses : emprunts, cautionnement, dettes fiscales, dettes ménagères de l’article 220 du code civil qui engagent solidairement les deux époux quelque soit leur régime matrimonial.

3 – La prestation compensatoire 

La convention de divorce pourra prévoir la stipulation d’une prestation compensatoire au bénéfice de l’un ou l’autre des époux ;

Cette prestation compensatoire est destinée à compenser la disparité des niveaux de vie entre les époux qui pourrait résulter du divorce.

Les époux pourront, dans le cadre de leurs conventions, librement choisir les modalités de paiement de cette prestation compensatoire : rente, capital à versement immédiat ou différé, attribution d’un bien ou d’un droit etc…

A noter que la prestation compensatoire pourra ultérieurement être modifiée, soit selon les modalités de révision prévues par la convention de divorce, soit en saisissant le juge aux affaires familiales dans les conditions de l’article 279al3 du Code Civil.

Mais dès lors que la convention ne prévoit pas le versement d’une prestation compensatoire et est homologuée par le juge, il sera impossible pour l’époux de l’obtenir ultérieurement.

B°) Les mesures concernant les enfants

Ce sont les mesures concernant la résidence de l’enfant et éventuellement le règlement d’une pension alimentaire par l’un des époux à l’autre.

Ici la souplesse dont aura pu faire preuve le juge à l’égard des stipulations concernant les époux s’effacera devant l’intérêt supérieur des enfants.

Ainsi, les enfants ne peuvent pas être partagés comme les meubles, même si l’on conçoit que leur intérêt est de maintenir le maximum de liens avec les deux parents.
Le juge examinera notamment avec une grande attention les modalités de résidence alternée des enfants qui ne sont pas toujours adaptées à toutes les situations.

A retenir que, dans le cadre de la procédure de divorce, les enfants capables de discernement peuvent être entendus par le magistrat sur les mesures qui le concernent, en application de l’article 388-1 du code civil.
Cette audition est de droit dès lors que l’enfant la demande.
Il convient alors d’adresser l’enfant à un avocat de l’enfant qui pourra l’assister en vue de cette audition.

III – Le déroulement de la procédure de divorce.

Le dépôt de la requête

Une fois la volonté des époux acquise et la convention de divorce établie, l’avocat rédige et dépose sa requête en divorce auprès du greffe du Tribunal de Grande Instance.

Cette requête devra comprendre certaines mentions obligatoires énumérées par l’article 1090 du code de procédure civile ce à peine de nullité.
Il s’agit notamment de l’état civil complet des parties et éventuellement celui de leurs enfants ; de la date et le lieu de leur mariage, de l’indication et de l’adresse de leur caisse d’affiliation sécurité sociale allocation familiales ou retraite.
La requête devra être signée par les parties ainsi que par leurs avocats.

Diverses pièces devront être jointes à la requête et à la convention liquidative qui sont :

Copie intégrale de l’acte de mariage datant de moins de trois mois
Copie du livret de famille
Copie intégrale des actes de naissance des époux datant de moins de trois mois (selon les juridictions)
Copie intégrale de l’acte de naissance des enfants datant de moins de trois mois
Dernier avis d’imposition des époux
Justificatif des ressources des époux (trois dernières fiches de paye, attestation Pôle emploi justificatifs caf etc…)
En cas de stipulation d’une prestation compensatoire, une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.
Eventuellement copie des prêts en cours accompagnés de leurs tableaux d’amortissement.
Etc…

La convocation des parties

Les époux sont convoqués par le Greffe du Juge aux Affaires familiales au moins quinze jours à l’avance par courrier.
Leurs avocats en sont parallèlement avisés.

La convocation à l’audience  est en général très rapide.
Ainsi à Clermont-Ferrand, il arrive de voir des audiences fixées trois ou 4 semaines seulement après le dépôt de la requête.

L’audience de divorce et l’homologation de la convention de divorce.

A l’occasion de cette audience, les époux sont d’abord reçus individuellement par le juge qui s’assure de leur consentement à la procédure.
Puis les époux sont reçus ensemble avec leur(s) avocat(s).

Le juge fait éventuellement lecture de la convention de divorce des époux et attire leur attention sur les engagements qu’ils y ont pris, s’agissant notamment de l’exercice de l’autorité parentale.

Il peut éventuellement demander aux époux ainsi qu’à leur avocat d’effectuer les modifications qu’il juge utile.

Puis, dans la très grande majorité des cas, il homologue la convention et prononce le divorce des époux.

Le refus d’homologation de la convention de divorce

Lorsqu’il estime que la convention ne protège pas suffisamment des intérêts de l’un des époux ou des enfants, le juge peut, par une ordonnance rendue sur le champ, refuser d’homologuer la convention ajourner le prononcer du divorce et inviter les époux à représenter une nouvelle convention avant l’expiration d’un délai de six mois.

L’ordonnance ainsi rendue précisera les conditions ou garanties auxquelles sera subordonnée l’homologation de la nouvelle convention de divorce.

Cette ordonnance pourra cependant homologuer les mesures provisoires sur lesquelles les parties s’entendent et qui auront cours jusqu’à l’audience suivante : autorisation de résidence séparée, résidence des enfants, pension alimentaire etc…

Si une nouvelle convention n’est pas présentée dans le délai de six mois ou que l’homologation est de nouveau refusée, le juge rend une ordonnance par laquelle il constate la caducité de la demande en divorce.

IV – Après l’audience de divorce

Le divorce prend effet entre les époux le jour auquel le juge rend le jugement de divorce, sauf si dans leur convention les parties ont souhaité en faire remonter les effets à une date antérieure.

Elle ne prend cependant effet à l’égard des tiers qu’à compter de sa publication en marge des actes de l’état-civil.

Pour cette publication, l’avocat prendra soin de faire signer par les parties un acte d’acquiescement dans lequel les ex époux déclarent acquiescer purement et simplement au jugement de divorce et renoncer à toute voie de recours.
Puis l’avocat adressera ledit acte d’acquiescement accompagné du jugement de divorce à la mairie où le mariage a été célébré qui se chargera de rectifier l’acte de mariage et communiquera l’information aux mairies des lieux de naissance des époux.

Le jugement de divorce sera insusceptible d’appel, faute d’intérêt à agir des époux, puisque la décision de divorce donne satisfaction à leur requête initiale.

Il pourra éventuellement faire l’objet d’un pourvoi en cassation qui peut être exercé dans les 15 jours du prononcé du divorce.

Toute autre action en annulation ou en révision de la décision de divorce sera irrecevable, sauf quelques hypothèses tirées du droit des procédures collectives.

Par-ailleurs les créanciers des époux pourront former tierce opposition contre la décision d’homologation de la convention dans le délai d’un an à compter de la publicité du divorce. Cependant leur action ne visera qu’à déclarer l’inopposabilité de la convention entre époux à leur égard.

Ainsi donc la convention de divorce devient immutable dès l’homologation et reçoit la force exécutoire d’une décision de justice.
Elle pourra donc faire l’objet d’une exécution forcée à l’encontre de la partie qui ne s’y soumettrait pas.

Elle ne pourra être modifiée que d’un commun accord des parties, accord qui devra de nouveau être soumis à l’homologation d’un juge.

Les textes prévoient cependant qu’à défaut d’accord le juge peut être saisi de demandes de modifications qui seront limitées aux dispositions relatives aux enfants ainsi qu’à la révision de la prestation compensatoire.